Une seule ou plusieurs femmes-truies? Une lecture virtualisante de Truismes de Marie Darrieussecq

On ne trouve dans les traces laissées par la femme-truie qu'une identité virtuelle, que Mireille Buydens décrit comme un curieux portrait [...] qui ne représente que mon désir en acte. C'est bien le portrait d'un désir en acte qui se dresse dans le dernier paragraphe de Truismes, et c'est un désir de dissolution qui marque, non pas la fin du texte, mais la volonté du texte d'exister ailleurs que sous les contraintes de sa forme immédiate, dans l'infini de l'intertexte: J'essaie de faire comme me l'avait montré Yvan, mais à rebrousse-poil de ses propres méthodes: moi c'est pour retrouver ma cambrure d'humain que je tends mon cou vers la Lune. Il y a donc une perception deleuzienne d'Internet comme lieu de dissolution du moi, pour autant queje m'y donne un être changeant et multiple, c'està-dire que j'utilise la liberté offerte pour me perdre sans cesse dans un devenir-imperceptible: il ne s'agit donc pas en fin de compte de me présenter comme un autre (ce qui serait remplacer un moi par un moi), mais, au travers des visages changeants, comme un superjet, c'est-à-dire un point de vue provisoire sur le monde et une sinueuse déclinaison d' affects. Ou, pour prendre une citation de Marie Darrieussecq, tiré d'un autre roman intitulé Naissances des Fantômes: Ecrire c'est être entre deux mondes, là où rien n'est certain mais où tout est possible, où circulent les fluides, les sensations.